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Histoire


Ibrahima Khalil Fofana
L'Almami Samori Touré. Empereur
Récit historique

Présence Africaine. Paris. Dakar. 1998. 133 pages


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Chapitre IV
Premiers affrontements avec les troupes coloniales

L'Almami Samori surveillait les tractations de Daye Kaba depuis Gbéléban où il avait convoqué une assemblée générale de tous les dignitaires des pays récemment conquis.

Les choses ne tardèrent pas à se préciser lorsque Kèmè Bréma ayant adressé un ultimatum à Kényéran provoqua une initiative « insolite » de la part du commandant des troupes coloniales. En effet une mission conduite par le lieutenant noir Alakamessa avait été dépêchée auprès du conquérant à Gbéléban.

Dans le message dont Alakamessa était porteur, le capitaine Monségur, commandant la garnison de Kita, demandait à l'Almami Samori de ne pas attaquer Kényéran désormais placé sous protectorat français. Le capitaine poussait la provocation à l'extrême en invitant le conquérant à se placer luimême sous protectorat français. Ne comprenant rien à cette intrusion caractérisée, lAlmarni eut une réaction violente et instantanée. Il opposa une fin de non-recevoir catégorique à ces prétentions. L'émissaire, le lieutenant Alakamessa s'en retourna fort impressionné, surpris, parait-il, d'être sain et sauf.

À cette nouvelle, Borgnis-Desbordes, haut-commandant des troupes coloniales à Kayes estima que « l'honneur de la France était en cause parce qu'il aurait été bafoué ». Il fallait une vengeance, le casus belli tant recherché était enfin trouvé pour éliminer un adversaire qui gênait les ambitions de conquête coloniale.

Ainsi débutait un conflit armé qui dura seize longues années (1882-1898), où l'agresseur était le colonialisme français et la victime l'empire samorien.

L'Almami Samori ne se laissa point intimider par les menaces de représailles que Borgnis-Desbordes faisait répandre à travers le pays ; mieux il vint châtier Kényéran le 21 février 1882, presque sur les talons de la mission Alakamessa. Les secours français arrivèrent avec quelques jours de retard pour constater que l'adversaire auquel ils avaient affaire avait de la trempe et pouvait joindre les actes à la parole.

L'Almami s'en allait vers sa capitale Bissandougou lorsqu'il apprit qu'il était poursuivi par les troupes coloniales.

Il aurait tout accepté sauf de donner l'impression de fuir devant cet adversaire qui éveillait d'ailleurs en lui une certaine curiosité.

Comment se battait-il cet ennemi ? Quelle serait sa puissance de feu ? Autant de questions qu'il ne tarda pas à élucider en acceptant le combat à Samaya le 26 février 1882.

Ce premier choc fut terrible pour les sofas car l'Almami Samori, ignorant tout des moyens de combat de l'adversaire avait abordé ses ennemis de front, exposant du coup ses hommes aux tirs rapides des fusils à répétition et aux salves nourries des canons. Des rangs entiers de sofas furent littéralement fauchés.

En stratège intelligent, l'Almami Samori modifia aussitôt son dispositif de combat ; les rangs compacts avançant de front firent rapidement place à de petites colonnes légères évoluant avec une mobilité extrême dans cette savane que les sofas connaissaient parfaitement. Tous les accidents du terrain furent mis à profit pour s'accrocher à l'ennemi tandis que la cavalerie appelée à la rescousse, débordait le flanc des troupes coloniales, créant la diversion partout où leur pression se faisait trop forte.

Les troupes coloniales furent contraintes de se replier sur le fleuve Niger, sous le harcèlement des intrépides sofas de Kèmè Bréma.

Le bilan des pertes était lourd du côté de l'armée samorienne, qui venait de subir le baptême du feu face à un armement moderne. Les pertes en vies humaines étaient très importantes mais l'Almami Samori sortait grandi de l'épreuve car la bataille de Samaya avait eu un écho retentissant dans toute la région. Il était désormais considéré comme le héros qui avait ose renvoyer un émissaire des « Toubabs » ; il était aussi celui qui avait châtié Kényéran malgré leurs menaces.

Il avait surtout l'auréole du chef de guerre noir qui avait affronté un armement moderne avec des fusils à pierre sans être défait !

Les sofas avaient d'ailleurs poursuivi les agresseurs dans leur mouvement de repli sur Kita.

L'impact politique qui en résulta fut si immense qu'il permit à Kèmè Bréma de ramener le calme dans la région nord. Celui-ci entama même dans cette lancée une offensive diplomatique en direction de la grande métropole commerciale de Bamako.

Pendant que Borgnis-Desbordes rentrait en France chercher du renfort, l'Almami rejoignait Bissandougou, laissant la frontière nord sous la garde vigilante de Kèmè Bréma.

Il mit à profit le reste de l'année 1882 pour organiser la lutte contre Gbankouno Saadji Kamara.


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