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Histoire


Ibrahima Khalil Fofana
L'Almami Samori Touré. Empereur
Récit historique

Présence Africaine. Paris. Dakar. 1998. 133 pages


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Chapitre I
L'Alamami Samori Touré : l'homme et ses origines

En novembre 1954 à Komodougou, au cours d'une veillée culturelle animée par le très célèbre griot Diéli Kaba Soumano, qui semblait ne faire qu'un avec sa guitare monocorde, nous avons eu le privilège de recueillir la tradition suivante sur les origines de l'Almami Samori Touré.
Diéli Kaba avait une mémoire phénoménale. Il engagea la soirée avec une de ses productions-vedettes : l'énumération des organes essentiels d'un véhicule automobile en précisant les fonctions, bien que lui-même n'ait jamais été un conducteur ; ceci lui valut des ovations et surtout de nombreux cadeaux.
La seconde production nous plongea dans l'histoire des chefferies traditionnelles du pays depuis le Mandén de Kangaba au nord jusqu'au Guizimaï de la forêt profonde au sud nouveau flux de dons variés. Diéli Kaba fit alors une pause comme pour marquer avec solennité l'importance de la tranche à venir. Quelques notes de guitare, un tour a pas mesurés de la place, l'assistance retint son souffle.
Diéli Kaba entonna :

Hormis les Kamara et les Condé, propriétaires traditionnels de ces terres, nous autres nous sommes tous venus du Nord. Les ancêtres de Samori sont des Markas. Le plus proche de nous dans le temps, Bingo Amadou Touré dit Bingo-Madou vint s'installer à Bingo dans le Gbèredou (préfecture de Kouroussa). Bingo-Madou eut pour fils Bingo-Mori qui émigra à l'est pour résider à Kofilakoro dans le Kourani-Gouala (sous-préfecture de Karala, préfecture de Beyla). Il eut pour fils Fabou Touré. Nous avons ensuite Vafereba Touré fils de Fabou Touré qui alla s'installer à Minianbaladou où il eut pour fils : Karifa et Lanseï. Karifa eut deux fils: Samorifing et Samorigbe qui eut à son tour trois fils : Lanfia, Moussa et Fodé.
Dans le petit village de Minianbaladou la vie suivait son cours paisible. Kémo Lanfia tissait le genre de bandes de cotonnade très appréciées qui servaient alors d'étalon monétaire dans la région. Rien ne semblait devoir perturber cette vie de routine, lorsque le tisserand fit un rêve.
Il consulta un devin.
— J'ai vu sortir de mes reins un serpent qui s'éleva, s'éleva à perte de vue vers le ciel, déclara-t-il au devin.
— Tu auras, répondit celui-ci, un descendant qui sera très puissant et dominera bien des contrées. Cependant des sacrifices sont nécessaires : un bélier blanc, sept coqs blancs, une bande de cotonnade de sept coudées de longueur et sept plats de riz.
Comme on le voit, pour un hameau de l'importance de Minianbaladou un tel sacrifice était considérable et ne pouvait passer inaperçu.
Dans la mesure où l'on parlait de puissance et de domination, les Diomandés (Kamara) de Minianbaladou et de Sanankoro tinrent conseil. Ils s'opposèrent à l'exécution d'un tel sacrifice dont les retombées occultes compromettraient, à coup sûr, leur pouvoir traditionnel.
Cependant, à cette période, Sokhona Kamara de Fandou, l'une des épouses de Lanfia, attendait un enfant. Le problème soulevé par le rêve du tisserand connut aussitôt une certaine notoriété et les habitants de Fandou offrirent leur service pour l'exécution du sacrifice.
Le génie de Fonin-Kaman-Kamara 1, l'illustre aïeul des Kamara, se serait-il manifesté sur la branche féminine ? Les tenants du pouvoir à Sanankoro se posaient en tout cas la question, car ce ne serait pas la première fois (selon la tradition malinké) qu'un ancêtre illustre se réincanerait en un de ses descendants.
En effet, dans la société malinké la notoriété acquise par un individu, en bien ou en mal, est souvent expliquée en le rattachant à un ancêtre plus ou moins lointain : tel homme ou telle femme riche (bana) aura reçu un don du généreux génie d'un aïeul de lignée paternelle ou maternelle ; tel autre personnage réputé pour sa cruauté tiendrait ce trait de caractère d'un ancêtre.
Dans chaque cas, qu'il s'agisse de bravoure, de prestige, etc., l'on scrute la nuit des temps pour repérer l'aïeul ainsi réincarné.
Alors que toute la population de Minianbaladou, de Sanankoro, de Fandou et des environs attendait impatiemment l'événement, voilà qu'un beau jour Sokhona Kamara mit au monde un garçon ! Et voilà qu'il naquit avec la main gauche toûte couverte de taches blanchâtres ! « C'est lui ! C'est lui l'enfant annoncé », criait-on. On accourut de tous les côtés pour le voir. Quelques cadeaux furent offerts à la mère plongée désormais dans une angoisse qui ne l'a plus jamais quittée.
Elle se mit à parcourir toute la contrée à la recherche de tout ce qui pourrait assurer la protection de son enfant.
Lanfia estima d'ailleurs qu'il était préférable de quitter le hameau de Minianbaladou pour le village de Sanankoro où la famille s'agrandit avec la naissance de Maningbè-Mori, Kèmè Bréma, Kèmè-Lanséï, Kèmè Amara, Massaran-Mamadi.
Diéli Kaba Soumano de poursuivre :
Samori Touré a eu une descendance très nombreuse estimée à deux cent dix enfants dont cent seize filles et quatrevingt-quatorze garçons.

La narration s'arrêta soudain sous les vivats de l'auditoire comblé car tout ce qui touche à la personne de l'Almami Samori Touré porte inévitablement la marque de la démesure ! Un descendant de l'illustre disparu a offert un taureau âgé de deux ans.
Quelques notes de kôni et la veillée était terminée.
Après avoir procédé à de nombreux recoupements auprès de témoins exceptionnels en qualité et en nombre dans ce Toron où l'entreprise historique avait débuté vers 1860, les noms des principaux descendants que nous avons retenus en raison de leur notoriété sont :

Parmi eux nous avons eu le privilège de rencontrer et de nous entretenir avec Filassô-Mori à Diakolidou (Beyla) en 1949, Massé-Mouctar à Kankan-Kabada en 1950. Quant à Ramata Touré, fille de l'Almami Samori et de Bagbè Mara de Sansambaya (route Kankan-Kissidougou), son nom est passé à la postérité en tant qu'aïeule (grand-mère) de Sékou Touré, fils de Aminata Fadiga, elle-même fille de Ramata. Sékou Touré a été le premier président de la République de Guinée (1958-1984), notoirement connu comme combattant anti-colonialiste.

Notes
1. Fonin Kaman Kamara reste l'un des plus illustres rois qui aient régné sur le Konia. Son souvenir est perpétué par une chanson qui souligne à suffisance sa toute-puissance et pourquoi pas sa férocité.
Il était « le lion qui dévorait d'autres lions et qui riait seulement lorsque l'envie lui prenait de dévorer son royal festin, de dévorer un homme ».
Le 8 novembre 1981 lors d'un baptême à Gbessia, El hadj Diaby, imam de la mosquée nous a confirmé que le roi Fonin Kaman Kamara a envoyé au roi du Bambouk, il y a de cela 782 ans, c'est-à-dire au XIIe siècle, une mission de bonne volonté qui a ramené une colonie de familles Maraboutiques installées à Niousomoridou dans un but de prosélytisme. Les Souaré, Bérété, Dramé, Fofana et Cissé qui y vivent proviennent de cette souche.


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